Il n’aura fallu que quelques années pour que de nombreuses entreprises s’emparent de cette invention qu’est la blockchain et appliquent à divers domaines, outre la banque, ce que le Bitcoin réinvente pour la monnaie : passer d’un fonctionnement centralisé à une organisation décentralisée. Chacune de ces entreprises déploie des services basés sur un registre distribué dont la promesse, à l’instar de la cryptomonnaie, repose sur l’élimination des tiers de confiance historiques (notaire, administration, société de gestion de droit d’auteur…). L’utopie dont est porteur ce modèle de base de données peut s’étendre à tous les domaines nécessitant un organe central ou un tiers de confiance, mais également à toute activité pour laquelle des échanges entre de multiples acteurs induisent de nombreux contrôles, des problèmes de logistique, de lourdeur administrative et parfois de corruption.
Comme aux débuts de l’automobile, lorsque la France comptait 155 constructeurs en 1914, de nombreuses expérimentations en cours dans le monde témoignent de cet engouement pour les blockchains, dont l’intérêt et l’utilité des services proposés sont parfois relatifs. Selon le site blockchainfrance.net, les applications se classent en trois catégories :
- le transfert d’actifs, comme des monnaies électroniques, des titres, des actions ou des obligations ;
- la tenue d’un registre, garantissant son intégrité comme l’établissement d’un cadastre ou la certification de diplômes ;
- l’exécution automatique de programmes autonomes, appelés smart contracts.
La tenue d’un registre
Les bases de données distribuées de type blockchain trouvent également, comme domaine de prédilection, la tenue d’un registre infalsifiable et transparent, par exemple, pour l’établissement d’un cadastre ou pour la certification des diplômes.
Au Honduras, le gouvernement a inscrit dans une blockchain publique l’intégralité des titres fonciers du territoire afin d’éviter l’appropriation unilatérale des terres par certains, et garantir aux yeux de tous que le cadastre ne soit pas modifié ou altéré. Au Ghana, une initiative similaire, menée par l’ONG Bitland, permet d’enregistrer les actes fonciers associés à des coordonnées GPS qui, une fois inscrits dans une blockchain appelée Bitshare, sont immuables sans un transfert de propriété en bonne et due forme. Depuis 2016 en Géorgie, l’initiative est directement portée par le gouvernement, avec le concours de l’entreprise Bitfury. Loin d’« uberiser » les notaires, ces initiatives prennent forme dans des pays où l’absence de cadastre et de services notariés, ainsi qu’un haut niveau de corruption, incitent des start-up à proposer ce genre de services ou les États eux-mêmes à mettre en place un cadastre inviolable.
Régulièrement dénoncée par les écoles et par les entreprises, la fraude au diplôme serait un fléau en constante progression. Pour ne citer qu’un seul cas tristement célèbre, Gilles Bernheim, grand rabbin de France, a reconnu avoir menti sur son CV, en 2015, en usurpant le titre d’agrégé de philosophie, mentionné dans toutes ses biographies. Des entreprises, comme Verifdiploma fondée en 2000, se sont lancées sur ce créneau d’authentification des diplômes et autres certificats d’un candidat. Une des solutions mises en œuvre par l’ESILV (École supérieure d’ingénieurs Léonard de Vinci) en partenariat avec la société Paymium en France, ou par l’École d’ingénieurs Holberton à San Francisco, aux États-Unis, avec la société Bitproof, a été d’enregistrer la signature de chaque diplôme dans la blockchain Bitcoin et de tenir ainsi à jour le registre de leurs diplômés.
Il est, à la fois, extrêmement difficile de falsifier un tel registre, qui horodate par ordre chronologique l’ensemble des diplômes émis par l’école et très simple pour une entreprise de vérifier dans ce même registre si un candidat est bel et bien diplômé de ladite école. En France, le ministère de l’éducation nationale et le rectorat devraient s’emparer du sujet au plus vite afin de moderniser le Répertoire national des certifications professionnelles (RNCP), registre des diplômes reconnus par l’État, ce qui permettrait de les distinguer facilement de ceux qui ne le sont pas. Serait en même temps créée une blockchain publique dans laquelle les écoles et les universités inscriraient leurs diplômés, cette base de données pouvant être consultée par tous les employeurs de France ou de l’étranger.