Les « diamants de sang » (blood diamonds) sont les diamants provenant de mines africaines, principalement d’Angola, du Libéria, de Sierra Leone, de Côte d’Ivoire, de République centrafricaine, de République démocratique du Congo, ou encore du Zimbabwe. « Extraits de mines localisées dans des zones où la guerre fait rage, ces diamants sont vendus en toute illégalité et en toute clandestinité, afin de fournir en armes et en munitions les groupes armés qui les exploitent » Source.
Les diamants de sang, un problème insoluble
Une prise de conscience à l’échelle internationale se concrétise avec le processus de Kimberley, le 1er décembre 1998, lorsque l’ONG Global Witness publie « A Rough Trade », premier rapport faisant état des « diamants de guerre », notamment ceux liés aux conflits en Angola et en Sierra Leone qui font 50 000 morts.
En 2000, plusieurs pays producteurs de diamant se réunissent à Kimberley en Afrique du Sud, avec pour objectif d’enrayer la vente illégale de ces pierres dont les subsides alimentent des achats d’armes par des milices locales. La même année, l’Assemblée générale des Nation Unies rejoint le processus qui permettrait de créer une certification internationale pour les diamants bruts, et, au bout de deux ans de négociation entre les gouvernements, des représentants de l’industrie diamantifère et des organisations civiles, des accords sont signés en novembre 2002. Les principes de l’accord reposent sur un contrôle de l’import et de l’export des diamants par le transfert de conteneurs inviolables assortis d’informations détaillées.
Mais si le processus est louable, il n’en a que la forme. Dénoncé par la société civile, l’ONG Global Witness quitte avec fracas le processus en 2011, suivi par l’organisation canadienne Impact en 2017.
Pour Thierry Vircoulon, chercheur au Programme Afrique subsaharienne de l’Institut français des relations internationales (IFRI). «Les ONG ne contrôlent rien, elles servent d’alibi. (…) Le processus a mal vieilli et n’a pas évolué alors que le monde du diamant a changé. Il correspond à une époque où le commerce était tenu par quelques grands acteurs sensibles à l’opinion publique. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas avec l’émergence de Dubaï comme place commerciale concurrente d’Anvers et de la Chine comme nouveau marché (…) L’implication des groupes armés n’a jamais cessé, toutes leurs pierres précieuses passent en contrebande».
En juin 2017, l’ONG Global Witness mettait à jour un réseau de jeunes contrebandiers qui écoulaient des diamants de sang en provenance de Centrafrique en s’appuyant sur Facebook et Instagram.
La blockchain au service de la traçabilité des diamants
Rendre infalsifiable un registre distribué, consultable par tous pourrait sembler une piste d’innovation vers laquelle se tourner pour rendre effectif ce que tente de faire le processus de Kimberley depuis les années 2000.
C’est ce qu’a choisi de faire la startup britannique Everledger. En s’appuyant tout d’abord sur la blockchain d’Ethereum avant 2016, puis, à l’initiative d’un partenariat avec IBM sur la technologie Hyperledeger Fabric, une plateforme open source de développement de blockchain initiée en décembre 2015 par la fondation Linux et largement supportée par IBM.
Aujourd’hui, Everledger référence 40 attributs par diamant (taille, couleur, pureté, poids en carat, lieu d’extraction, etc…) à partir desquels un identifiant unique est généré puis gravé à l’échelle microscopique sur la pierre avant d’être inscrite dans une blockchain. Les données et les numéro de série sont cryptés afin d’éviter les faux et les données de certification sont alors accessibles par tous.
A ce jour, Everledger a enregistré quelque 1,8 millions de diamants dans ce registre distribué, et souhaite impliquer tous les acteurs intervenant sur la chaîne de valeur
En janvier 2018, le Groupe De Beers a annoncé le développement d’une initiative similaire, peut-être pour se racheter de leur conduite passée, lorsqu’il régnait sans partage sur l’extraction du diamant, au point de contrôler jusque 90% de la production mondiale.
La question qui se pose aujourd’hui serait de savoir si le processus de Kimberley pourrait s’emparer du sujet pour créer une blockchain mondiale, regroupant toutes les autorités en charge des importations et exportations de diamant. En effet, chaque autorité est actuellement responsable de son propre système de certification, et qui, pour certaines, seraient encore à utiliser des certificats papier rangés dans des armoires…
Si la volonté internationale de mettre fin aux diamants de sang date des années 2000, les blockchains pourraient constituer la pièce technologique manquante permettant de dépasser les bonnes intentions et mettre en oeuvre une solution de traçabilité effective qui épuiserait progressivement cette source de financement de conflits armés en Afrique.
Sources :
- Traçabilité du diamant : trois dates à retenir autour du processus de Kimberley, Diamondspot.com, juin 2004.
- La blockchain sur les traces de la supply chain, Marine Protais, 9 mars 2017.
- Les «diamants de conflits» brillent encore, Marine Ernoult, liberation.fr, 22 janvier 2018.