L’argent est un ensemble de règles communes pour échanger de la valeur. Comme l’explique Olivier Rocca, CEO de Money by design, « une monnaie est un instrument mono-usage au sens où il s’agit essentiellement d’un instrument de paiement passif qui est déplacé en fonction des échanges ». Adossée à une blockchain, l’argent devient programmable, car suivant le type de jeton mis en œuvre, des règles informatiques précisent quand et comment la valeur peut être échangée. Le système monétaire est alors reconfiguré en permettant une programmation de la monnaie en vue de son usage, de ses fonctionnalités et de ses objectifs.
Par exemple, l’acheteur d’un stock de grain effectuera le paiement lorsque le stock sera effectivement livré. Parce que l’argent devient programmable, non seulement de nouveaux services s’inventent, mais en plus, des services existants s’adressent différemment : échange d’argent en pair-à-pair, traçabilité des aides au développement, du donateur jusqu’au bénéficiaire, lutte contre la corruption, inclusion financière, crowdfunding d’impact, la diversité des applications n’a de limite que l’imagination de leurs concepteurs.
Le caractère programmable de l’argent renouvelle fondamentalement notre représentation de la monnaie. Pour la première fois de l’histoire, un jeton et un protocole assurent une fonction d’intermédiaire des échanges sans s’appuyer sur le moindre intermédiaire garantissant sa liquidité, au premier rang desquels les États et les banques.
Les monnaies programmables, par leur nature distribuée, bouleversent en profondeur la manière dont n’importe quelle organisation gère, traite et transfère des fonds.
Au-delà du « simple » transfert d’argent, les blockchains trouvent des applications dans quatre grands domaines directement liés aux Objectifs de développement durable :
- l’investissement à impact social (impact investing),
- l’économie durable et les monnaies complémentaires (sustainable development economy and currency),
- l’inclusion financière (financial inclusion)
- et les collectes de fonds, aides et charité (fundraising, aid and charity).
Cette semaine, nous commencerons par nous intéresser à l’investissement à impact social.
L’investissement à impact social est défini comme « un investissement qui allie explicitement retour social et retour financier sur investissement1 ». Il s’agit de proposer à des investisseurs, qu’ils soient particuliers ou entreprises, de financer des projets aux impacts sociaux ou environnementaux positifs.
TREE Token, fondé en janvier 2018 par Tristan Lecomte et Boris Vallee en est une illustration. TREE Token est une plateforme qui permet d’investir dans des projets d’agroforesterie en partenariat avec des organisations de petits agriculteurs, actuellement au Pérou et en Bolivie. Les fonds sont investis dans la plantation d’arbres et de cultures combinées, dont l’exploitation génère une source de revenus pour les agriculteurs, un rendement financier pour le détenteur du jeton mais également de multiples impacts positifs sur le climat, les sols, l’eau, la biodiversité. L’ensemble des transactions est enregistré dans une blockchain permettant à chacun de suivre concrètement l’impact de leur contribution et le retour sur leurs investissements.
Autre exemple actuellement mis en œuvre en Afrique du Sud ou encore en Moldavie, The Sun Exchange est une place de marché qui permet à ses membres d’acheter, dans le cadre de contrats de vingt ans, des cellules solaires qui sont ensuite louées à des écoles, des hôpitaux, des usines et d’autres utilisateurs finaux. Alors que les membres perçoivent une rémunération en bitcoin, en SolarCoin ou encore en monnaie fiduciaire, les consommateurs d’énergie des projets solaires bénéficient d’une électricité abordable, sans frais d’achats initiaux, et paient leur consommation d’électricité solaire en remplacement de celle utilisée à travers des générateurs diesel et toutes autres sources d’énergies polluantes. The Sun Exchange s’occupe de la co-conception des projets solaires avec des entreprises locales, de l’accompagnement juridique et contractuel, ainsi que de la collecte et de la location du matériel. Toutes les interactions sont enregistrées via une blockchain, permettant ainsi une transparence totale entre les investisseurs, les projets et les consommateurs d’électricité.
1 Comité français sur l’investissement à impact social.
Cet article est extrait du livre blanc “Blockchain et développement durable”, à télécharger librement sur ce site.