En droit français, la blockchain s’appelle un DEEP

Qu’est-ce qu’un DEEP ?

Dispositif d’Enregistrement Electronique Partagée (DEEP), c’est ainsi que le législateur a choisi de dénommer les technologies plus communément désignées sous le terme de Blockchain ou Distributed Ledger Technology (DLT). On notera au passage le clin d’œil consistant, en francisant les termes, à produire un acronyme à consonance anglophone qui veut dire « profond » ou encore « compliqué ».

Cependant, dans son rapport soumettant l’ordonnance à la signature du Président de la Républiquei, la Direction Générale du Trésor précise avoir surtout fait preuve, en choisissant cette dénomination, de prudence par rapport à de futures évolutions technologiques.

Deux domaines d’applications

D’un point de vue chronologique, on retrouve pour la première fois la mention d’un DEEP dans l’article L. 223-12 de l’ordonnance du 28 avril 2016[i], créant la possibilité pour des intermédiaires régulés par l’Autorité des Marchés Financiers (AMF) de proposer, via leurs sites web, des bons de caisse (titres de créance de maturité 1 mois à 5 ans maximum) émis par des établissements de crédit ou des commerçants, donnant ainsi naissance aux minibons. L’idée du législateur a été d’autoriser, à titre d’expérimentation en grandeur nature, un DEEP pour permettre à ces intermédiaires d’enregistrer les transactions d’acquisitions et de cessions de minibons.

En juin 2016, le ministère des Finances a ensuite annoncé travailler sur un deuxième chantier pour utiliser le DEEP en faisant adopter l’amendement n° 1507[i] autorisant le Gouvernement à légiférer par ordonnance sous 6 mois pour adapter le droit applicable aux titres financiers et aux valeurs mobilières non côtés.

Ces travaux ont donné lieu à deux textes subséquents.

Le premier, le 9 décembre 2016, au travers de l’article 120 de la loi n° 2016-1691[ii] relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, se contente de prolonger l’autorisation pour le gouvernement à légiférer par ordonnance sur le sujet.

Le second, publié le 8 décembre 2017[iii], soit tout juste le délai de 12 mois imposé par le texte précédent, modifie le Code de commerce et le Code monétaire et financier pour y inscrire le DEEP comme dispositif juridiquement reconnu, tenant lieu d’inscription en compte.

Alors, la France championne du droit des blockchains ?

Pas tout à fait…En effet, bien que Bercy clame haut et fort que la place financière parisienne est la première a avoir intégré la technologie Blockchain dans la loi, tous les textes cités précédemment sont pour le moment lettres mortes en attente d’un décret en Conseil d’Etat.

Celui-ci doit définir les caractéristiques techniques, notamment en matière d’authentification, de ce DEEP. Peu de choses transparaissent sur l’état d’avancement de ces travaux par opposition à ceux de la représentation nationale traités ici. Les ingénieurs étant sans doute rares dans le corps des Conseillers d’Etat, il semblerait que l’ANSSI soit en support à ces travaux.

Alors, la Blockchain dans le droit français, opération de communication ou volonté de faire en sorte que la France ne rate pas le train comme cela a été le cas avec le réseau Internet ? A n’en pas douter, la France est tiraillée entre cette volonté d’accompagner une innovation de premier plan tout en se montrant ferme quant aux écueils liés aux crypto-actifs et à leur réputation sulfureuse.

Nous ne manquerons donc pas de suivre de très près ce feuilleton juridique dont le prochain épisode devrait avoir lieu avant le 1er juillet 2018, date à laquelle devrait paraître, au plus tard, le décret d’application.

Sources :

[i] Amendement n°1507 présenté par le Gouvernement le 6 juin 2016 relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique (n°3785).

[ii] Article 120 de la loi n° 2016-1691 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique du 9 décembre 2016 publiée au JORF du 10 Décembre 2016, texte n° 2.

[iii] Ordonnance n°2017-1674 du 8 décembre 2017 relative à l’utilisation d’un dispositif d’enregistrement électronique partagé pour la représentation et la transmission de titres financiers publiée au JORF du 9 décembre 2017, texte n° 24.

 

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